Paul Smith est un monument de la
mode, un incontournable. Il est à l’Angleterre ce que Saint Laurent fut à la
France : un personnage respecté de tous, une figure tutélaire. Génie créatif
absolu, féru d’art, Paul Smith possède une gigantesque culture et une curiosité
panoramique. Il travaille sans cesse entre nouveauté et tradition, et crée des
ponts entre les styles, les époques et les générations. Ce mois ci, il ouvre
une troisième boutique à Paris.
Paul Smith a réussi à créer un
véritable univers, une atmosphère immédiatement reconnaissable, qui lui est
propre. Tout le charme britannique réside dans cet homme et ses créations.
Flegme, humour, classicisme, et ce petit grain de folie ou d’extravagance,
parfaitement dosé, qui est si caractéristique des anglais.
Dans les années 60 Paul Smith
désirait devenir cycliste professionnel. Un accident l’en empêcha. Qu’à cela ne
tienne, le voici reconverti dans la confection vestimentaire. Pas tout à fait
autodidacte, mais presque, Paul Smith n’a pas suivi de formation pour être
créateur de mode. Il a appris sur le tas, grâce aux conseils de sa femme,
Pauline, qui enseignait alors au Royal College of Art, et à des cours du soir
chez un tailleur d’uniformes militaires. En 1970 il ouvre une première et
minuscule boutique dans sa ville natale, Nottingham. Il y vend ses premières
créations.
Paul Smith n’a jamais brûlé les
étapes. Il ne s’est jamais prêté au jeu du vedettariat. Il a avancé pas à pas,
avec prudence et une détermination à toute épreuve, afin de s’installer dans le
paysage de la mode, non pas comme une nouvelle sensation passagère, mais comme
un couturier à la réputation solide et non évanescente. Comme il le dit
lui-même : « Je n’ai pas besoin de satisfaire mon ego ni de faire
l’acteur. Mon plaisir, c’est de donner vie à des idées. Le reste, c’est-à-dire
le monde de la mode, ne m’intéresse pas. » Un discours plutôt réconfortant
de la part d’une personne qui travaille dans un univers construit sur des égos
bien souvent démesurés.
Jeux de couleurs, motifs fleuris,
doublures fantaisies. Paul Smith a inventé des codes qui sont aujourd’hui profondément
ancrés dans l’esprit de ses clients. Une fois que vous êtes familiarisé avec
son univers, ses créations sont reconnaissables d’entres toutes. Un brin de
fantaisie qui dénote avec les coupes classiques qu’affectionne le couturier.
Paul Smith est un artisan du
détail. Les vêtements que l’on trouve dans ses boutiques ne sont pas
ostentatoires, ils ne sont pas travaillés pour à tous prix faire
« mode ». Ces bien plus dans les détails que l’on reconnait le style
Paul Smith : une discrète broderie, des boutonnières ou des lacets
colorés, le motif chamarré d’une doublure ou d’un revers.
Car c’est enfin cela le style de
Paul Smith. Quelque chose de totalement britannique. Un petit décalage, une
pointe d’humour. Paul Smith cultive les contrastes comme personne d’autre et
n’hésite jamais à associer un costume strict à une chemise très colorée. Peut
être est-ce pour cela qu’il séduit aussi bien une clientèle d’homme d’affaire
que de teenager. Pour cela encore qu’il peut habiller indifféremment, hommes politiques et rock stars.
Son inspiration, Paul Smith la
puise directement dans le « Swinging London » des années soixante.
Epoque bénit où les «mods» portaient des tenues de dandys aux couleurs
flamboyantes, où les hippies arrivèrent avec leurs chemises à fleurs... Une
époque libre qui brisa de manière définitive le carcan des habitudes
vestimentaires.
L’homme qui commença sa carrière
dans un estaminet de quelques mètres carré à Nottingham est aujourd’hui à la
tête d’un empire des plus rentables. Il a créé pas moins de treize lignes. On
trouve de tout dans ses boutiques. Des vêtements et accessoires, mais également
des parfums, des livres, de la papeterie. Paul Smith s’ingénie à construire son
propre univers au gré de ses envies et y parvient avec brio.
Il vient d’ouvrir une troisième
boutique à Paris. Sis au 70 de la rue de Grenelle, dans un ancien bistrot laissé à l’abandon
depuis plus de vingt ans, ce nouveau magasin aux modestes dimensions, offre un
contraste saisissant par rapport aux espaces choisis par la concurrence. Ici,
Paul Smith a souhaité garder la peinture écaillé au mur, le carrelage d’époque
et la devanture désuète. Tellement plus chic et surprenant que les grands
magasins de verre et béton ultra-contemporain que l’on voit fleurir depuis des
années.
Décidément, ce gentleman
couturier n’a pas finit de surprendre.
Boutiques Paul Smith :
-22, boulevard Raspail, 75007 Paris
-3, rue du Faubourg-Saint-Honoré 75008 Paris
-70, rue de Grenelle, 75007 Paris
Copyright Photo: Sandra Millon